14.12.08

rentrée


Sans rentrer dans l’eau salée, qui mouille, qui pique, qui brûle, on peut voir au-delà, un monde de possibles. Au-delà d’une ligne d’horizon entre deux eaux, qui à l’aube adopte le bleu-gris du lilas.
Là j’entends une chorale rock et bigarrée, atypique, faisant sonner arpèges, violon, accordéon et dissoner le dièse, au seuil d’un monde, presque. Là où le son peut atteindre une limite de transport et de transmission. Comme un terminus de l’émotion.
J’entends le ressac, écume jaunie de la mer sale, glougloutement heureux des enfants ou simple dessin dans l’eau laissé par un pétrolier sur le fleuve Saint-Laurent. Etendue bleue qui se confond avec le ciel, figure debout dos au spectateur qui se confond avec le penseur de Friedrich.
Là je rêve, le silence peut devenir prière, l’amour peut devenir passion, et la passion addiction.
Un monde de possibles.
Comme un territoire vierge, étendue vertigineuse d’eau ou de terre, une nouvelle Amérique, qui la ferait passer pour une vieille dame. Un horizon confus et brumeux, de quoi voyager, de quoi plonger.
Ne pas forcément aller de l’autre côté et faire une longueur. La milonga conviendrait.
Regarder, observer, considérer, puis se mouiller.

8.12.08

Paris-Texas




























Où est Hoboken ?

Une question que je me suis posée hier mardi 2 décembre. Hoboken est un lieu en Amérique qui est revenu dans ma vie à plus de 2 ou 3 reprises ces derniers temps, je suis en voyage, je ne sais pas ce que cela signifie. Suspense.
(Maintenant que je suis rentrée, j’ai découvert qu’il s’agit d’une ville du New Jersey qui fait face à Manhattan…)Cela ressemble trop à une marque de bière ou un nom de ville allemande pour que ce soit américain, et pourtant…
Ce nom, je l’ai de nouveau croisé lors de la visite d’une exposition à la Bibliothèque Nationale de France, site Richelieu : Seventies, La photographie américaine, 320 clichés exposés jusqu’au 25 janvier 2009, 320 clichés forts en noir & blanc.
J’ai davantage été marquée par les portraits, notamment les marginaux, captés par Diane Arbus, William Klein, Garry Winogrand, Jeffrey K. Silverthorne, Larry Clark…, ainsi que les scènes de rue aux cadrages improbables et aux réunions factorielles rares. Des drogués, des travestis, des nains, des nudistes, mais aussi l’American Way of life dans toute sa splendeur.


La journée pourtant avait commencé par une visite originale, celles des Catacombes de Paris : une visite guidée passionnante me rappelle qu’en rentrant de mon petit séjour parisien, je redeviendrai guide moi aussi.
C’est l’occasion de découvrir que ces souterrains sont avant tout des carrières de calcaire situées à 20 mètres de profondeur sous le pavé parisien, exploitées jusqu’au 18ème siècle sur des centaines de kilomètres. En 1786, on décide de cesser cette pratique ancestrale et anti-hygiéniste d’enterrer les morts dans des fosses communes situées autour des églises : on ferme notamment le cimetière des Saints-Innocents, et la Révolution anti-cléricale fera le reste les années suivantes…On décide alors d’entasser les ossements de millions, six environ, jusqu’au début du 19ème siècle. Les os de six millions de personnes disposés en ordre, « étiquetés » selon le cimetière d’origine et la date d’ensevelissement. Des couloirs, souterrains, où les visiteurs se retrouvaient autrefois grâce à un trait noir peint sur le ciel de carrière, sont à parcourir avant de parvenir jusqu’à l’ossuaire. On observe certains boyaux rétrécis qui ont servi à certains amateurs de claustrophobie (les cataphiles il parait qu’on les appelle…) pour organiser des fêtes il y a quelques années : interdites maintenant…
L’ossuaire a été ouvert au public en 1867, pour répondre à des besoins de romantiques et de poètes maudits. Il n’y a qu’à lire l’inscription avant d’y pénétrer : « Arrête, c’est ici l’empire de la mort »…Engageant.
La confrontation imminente avec ces restes humains est effrayante, et elle est finalement très impressionnante : c’est une partie de nous, à la fois de notre passé et de notre futur. Tête-à-crâne dans des galeries infinies, on s’habitue peu à peu au rangement impeccable des tibias et autres longs os, entrecoupés par des frises de crânes, sur lesquels viennent enfin s’entasser bassins, côtes, etc…en vrac, sur parfois 30 m de profondeur !
Des motifs de cœurs ou de croix apparaissent çà et là, relativement macabres, ainsi que des inscriptions et des lieux de recueillement.
Une visite sous terre originale, humide et parfois oppressante, à déconseiller aux claustrophobes mais à faire avec un passionné du sujet…

Puis la journée placée sous le signe des Etats-Unis a débuté. On a repéré depuis la veille l’équivalent d’un diner américain, rue des Ecoles ; ça s’appelle Breakfast in America, dédoublé dans le Marais, rue Malher. En beaucoup moins calme et plus bobo, il paraît.
Plutôt qu’un Mac Do insipide, ce resto propose de recréer l’ambiance d’Outre-Atlantique : banquettes rouges, moutarde et ketchup à table, accès aux « restrooms », hamburgers et donuts au menu, et des petits déj et brunches non testés mais qui paraissent formidables : pancakes, œufs et muffins !
Moi qui replongeait il y a peu dans les délices de la nostalgie post-voyage sur le continent américain, j’ai été ravie de manger un VRAI hamburger avec du Coca, de commander en franglais avec une serveuse bilingue et de croiser l’étudiant américain barbu en mal du pays venu se faire servir du jus de chaussettes, euh…du café à volonté.

Enfin, apogée de la journée, une soirée en compagnie d’un Texan pur jus qui porte sur sa guitare un sticker « I voted » orné du Stars and Stripes : Ben Kweller, 2 décembre 2008, à l’Européen.
Je dois d’abord dire, même si cela en surprendra certains, que j’attendais ce concert depuis la rentrée, que j’ai réservé ma place à l’avance (concert sold out deux mois avant) et qu’après réflexion, je rêve de revoir Ben Kweller depuis septembre 2006. J’ai découvert sa musique par hasard lors d’un concert gratuit à la Flèche d’or, puis réentendue avec plaisir en novembre 2006 au Trabendo, et j’étais prête à faire des kilomètres pour revivre un pur moment d’entertainment après 2 ans d’une écoute assidue de ses 3 albums et de clins d’œil improbables (j’ai eu le bonheur au détour d’un set acoustique des Victorians au Truskel de reconnaître la reprise de l’ode à la femme de la vie de Ben, Lizzy).

Imaginez Ben Kweller, un homme enfant, qui porte des pattes d’eph en velours quand tout le monde est au slim, et qui prône l’amour, le bonheur et la simplicité, ça pourrait paraître écoeurant…Marié, un enfant, l’homme de 27 ans est une rock star pas comme les autres. Il dit à qui veut l’entendre dans cette salle de 300 personnes qu’il nous aime et qu’il passerait bien le reste de sa vie avec nous. Il donne tout, il est heureux d’être là le p’tit Ben.
Même si je suis quelque peu déçue de ne pas le voir ce soir en formation électrique et rythmique, nous avons l’exclusivité d’un concert acoustique et dépouillé, lui entre guitare et piano, son camarade de dernière minute l’accompagnant au dobro, marque de guitare Gibson jouée à l’horizontale. Nous avons surtout la primeur de morceaux tirés de son nouvel album à venir en février prochain.
Surprise, il joue en plus une majorité de titres de ses deux premiers disques (Sha Sha et On my way de 2002 et 2004), les meilleurs à mon avis, avant de terminer par des versions déchaînées de « Sundress » et « Penny on the train track » (plus récents). Ainsi on a droit aux enlevés « Walk on me », « The rules » ou « Hospital bed », où Ben, faute de batterie, tape du pied chaussé de ses bottines élimées. Puis aux ballades country-blues de son EP spécial grands espaces américains ou celles à succès, comme « On my way » ou « Family tree ».
C’est surtout a u piano que l’artiste nous livre ses émotions : « Thirteen », « In other words » ( !) et surtout « Falling », la clôture de Sha Sha, une chanson pop indétrônable de mes compils et qui m’a fichue la larme à l’œil. C’est que le garçon a la joie de vivre communicative, il nous fait chanter, nous fait croire pendant une heure et demie qu’on est les meilleurs potes du monde et finit par nous accueillir au pays des bisougrizzlies.
A la fin du concert, c’est séance photos et dédicaces entouré de tous ses copains, un mot gentil pour chacun et on repart avec l’idée que le monde n’est pas si pourri que ça.

Chris Garneau au Violon Dingue, Nantes, 1er novembre 2008

Ce concert fut comme une parenthèse irréelle dans un 1er novembre jour des morts, un moment de musique folk dans l’obscurité d’un bar à l’heure du goûter.
L’homme se présente rapidement, comme pour se débarrasser de son identité : il s’appelle Chris Garneau, il est arrivé en retard et s’excuse. Petite silhouette derrière son piano à queue en kit à monter soi-même en 10 minutes, il porte un tee-shirt vert orné d’un cerf du Wyoming. Il se cache derrière des grosses lunettes et une moustache, il dissimule une certaine beauté naturelle, il ne paie pas de mine…
Et soudain, tu entends sa voix projetée dans la salle, magique, son principal outil, comme passée au papier de verre. Et tu comprends, tu retiens ton souffle, dans des envolées lyriques tendues.
C’est Jeff Buckley qui tiendrait la main d’Elliott Smith, dont le monsieur reprend d’ailleurs le morceau Between the bars, ultime hommage.
Bancal, en déséquilibre sur son haut tabouret, Chris Garneau raconte la mort, l’amour, pas toujours drôle, ce 1er novembre, mais parvient à nous transporter à Brooklyn pendant une heure, dans des histoires qu’il semble vivre.
Tremblant, il finit chaque morceau sur le fil, en sueur, attendant notre approbation avant de lâcher la pédale de son piano. Applaudissements qui viennent seulement après que le dernier son cristallin sorti de la bouche de Chris ait résonné dans le Violon Dingue.

retour sur un séjour au Québec-août/septembre 2008 (1)

















Arrivée dans le hall de vérification des passeports:malgré le côté peu avenant des douaniers,les Canadiens vous disent "Salut,ça va?", ce qui paraît tout de suite moins effrayant...

Je ne pourrai jamais trop en dire sur la courtoisie canadienne,l'une des grandes découvertes de mon voyage:comment peut-on avoir autant confiance en l'autre,dans une société aujourd'hui,et d'autant extrêmement américanisée?
Le Canadien t'accueille à bras ouverts,te laisse les clés de chez lui,te dit "salut comment tu vas?" dans les magasins,et tu ne sais quoi lui répondre,te serre la main au musée et te dit "bienvenue" ('you're welcome') quand il te sert au restaurant.Certes,comme dirait l'amie qui m'héberge,les serveurs attendent un pourboire non compris dans le prix affiché,mais tout de même...
Et puis il faudra m'excuser mais je suis une dingue de cette architecture:maisons de ville en briques de toutes les couleurs dotées d'escaliers extérieurs pour gagner de l'espace et pour déblayer plus de neige et de verglas,chouette!,la porte du voisin à deux centimètres de la sienne parce qu'on se tient chaud l'hiver,les moustiquaires omniprésentes qui en disent long sur la voracité des sales bêtes dont nous avons fait les frais au Jardin Botanique un soir...

...et une dingue de l'électro-ménager ENORME!

Dès les premiers jours,les rues de Montréal deviennent familières:Saint-André,Christophe,Hubert,Denis...A gauche du boulevard St Laurent,l'ouest,à droite l'est:c'est pas compliqué,et pourtant,bien calculer l'angle de la rue auquel on se rend au risque de marcher quelques blocs de trop...
Déjà l'accent frémit à mes oreilles dans l'avion,les phrases commencent en français et se terminent en anglais dans la plus grande aisance:ah,l'ouverture d'esprit et le bénéfice que doivent représenter le bilinguisme et la double-culture!Ce n'est bien sûr pas le cas de chaque Montréalais,mais l'anglophone est plus répandu qu'à Québec,et le francophone anglophone aussi,si vous me suivez toujours!
Les escaliers extérieurs se succèdent,et la 1ère après-midi permet de découvrir un bout de Nantes de l'autre côté de l'Atlantique:certes il y a au musée de Pointe à Callière une exposition que le château des ducs a hébergé l'année dernière;

mais il y a aussi un vieux port coupé du fleuve St Laurent,des bâtisses industrielles réhabilitées,des hangars,des installations culturelles au bord du fleuve...

Mais aussi les premiers buildings impressionnants qui tout de suite nous situent sur le continent américain...

pass this on

Hier soir,la voiture s'engouffrait dans la nuit noire,et les phares n'y ouvraient qu'un passage lumineux.
Arrivés sur le cours,la station de radio qui passait des tubes du samedi soir a soudain craché un morceau connu...Pas moyen de le reconnaître de prime abord...Je savais néanmoins qu'il y avait un rapport avec l'Asie,de près ou de loin.
"Cambodia"!Ca y est,je l'ai retrouvé.Internet a fait le reste,dimanche domestique,à la maison.Kim Wilde.Oui je sais,Kim Wilde n'est peut-être pas votre meilleur souvenir des années 80,moi il ne me rappelle à vrai dire que le film Dans Paris de Christophe Honoré,vénérable réalisateur des Chansons d'amour,Palme d'or des films 2007 pour ma part.Il me rappelle donc aussi Romain Duris,et par association d'idées,il me rappelle pourquoi j'aime la musique des années 80,que l'on ne peut plus renier aujourdhui...il me semble...
Le côté tragique des envolées lyriques,la dramatisation des voix féminines que l'on retrouve sur un titre aussi kitsch que "Les états d'âme Eric" de Luna Parker (cf une soirée de crémaillère délirante en avril 2007).
Et puis Joy division,The Cure,Depeche Mode,Indochine, aujourd'hui Interpol,MGMT,Radio dept.,...je n'ai plus d'inspiration et je ne suis pas prête ce soir à faire une analyse musicale.
Tout ça pour dire qu'aujourd'hui j'écoute:"Pass this on" de The knife.Un groupe,dont j'apprends justement que la chanteuse à la voix suave a collaboré au dernier album de dEUS,mon groupe de belges géniaux.
Ce morceau est un bijou,il peut faire danser les prolos en jogging et si l'on regarde le clip de plus près, semble sorti des entrailles d'une diva transsexuelle.
"I'm in love with your brother",fais-le passer...