24.10.09

















































































































Strawberry fields forever

Liverpool ? Vous avez dit Liverpool ? Et des champs de fraises, oui mais bien sûr ! On n’imagine pas qu’à seulement 2 euros de Nantes se trouve une ville riche et attachante, jumelle de l’atlantique Nantes…Avec ses anciennes usines encore équipées de grandes baies et de systèmes de poulies, transformées en lofts et autres logements, Liverpool offre comme Nantes une hétérogénéité des constructions oscillant entre période victorienne et industrielle, néo-antique et brique.

Un séjour à Liverpool est forcément placé sous le signe des Fab four, les Beatles, qui, dans les années 50, ont révolutionné la pop music et ont posé les bases de bon nombre de morceaux que l’on écoute toujours aujourd’hui.
Il est vrai que je n’ai jamais eu dans ma discothèque qu’un Greatest hits du groupe mythique, davantage marquée dans mon adolescence par Pink floyd par exemple. Mais je reviens de Liverpool avec une envie incroyable de réécouter ces titres excellents que sont ‘Penny lane’, car ils sont inévitablement liés aux lieux hantés par les quatre, mais aussi ‘Ticket to ride’, ‘Help’ ou ‘Hello goodbye’, et j’en passe…En écoutant leurs chansons, on a l’impression de voyager dans l’inconscient collectif du rock. Et même sans être fan des Beatles, on est émus de passer dans Matthew St près de feu The Cavern qui a vu le groupe se produire 292 fois ( !!), devant les représentations des membres qui jalonnent les rues et les pubs, ou encore devant la sculpture d’Eleanor Rigby posée sur un banc au détour d’une rue…
Souvent, quand j’évoque les Beatles, c’est pour mentionner le fait que l’anglais a ce pouvoir que n’a aucune autre langue : coller au rock’n’roll. Une chanson française qui dit « elle t’aime ouais ouais ouais » ou « je veux tenir ta main » paraîtra cucul alors que dans la bouche des Beatles (certes dans les années 60…), ça marche à tous les coups. Mais finalement ce ne sont que des paroles universelles. Et cela on s’en rend compte dès l’arrivée au John Lennon Airport (rénové et rebaptisé en 2002). Les paroles de paix, d’amour, d’absence de religion et de frontières d’’Imagine ‘ nous accueillent sur les murs blanc des terminaux, et ne peuvent que rassembler et émouvoir…

Look right !

Le vendredi, nous quittons l’hôtel en fin de matinée, direction le centre-ville : un double-decker bus nous attend pour nous transporter en banlieue de Liverpool, à Port Sunlight, de l’autre côté de la rivière Mersey. Port Sunlight est un village d’environ 1500 habitants créé de toutes pièces dans les années 1880 par un industriel ayant implanté son usine de savons à cet endroit et créé un véritable village autour. Ce monsieur, c’est Lever, et son savon…Sunlight ! C’était un collectionneur d’art richissime qui a finalement inauguré en 1922 un musée entièrement dédié aux pièces de sa collection, ainsi qu’à son épouse : la Lady Lever Art Gallery.
Au milieu d’une ville de province avec quelques maisons à colombages, nous nous perdons dans un charmant lotissement du nom de Primrose hill et trouvons enfin le bâtiment à colonnes et coupole inspiré par la Grèce antique. Le lieu est magnifique, et rénové récemment : rotondes consacrées à la sculpture, period-rooms, collections de céramiques grecques et Wedgwood… Mais le clou de la collection pour ma part, ce sont les peintures anglaises de la deuxième partie du 19ème siècle. Les Préraphaélites sont bien représentés : Rossetti, Burne-Jones, Holman Hunt ou Millais s’exposent autant dans ce musée, qu’à la Walker Art Gallery dont nous allions nous régaler le lendemain. Ce groupe d’artistes, parmi lesquels j’ai aussi (re)découvert Lord Leighton ou Alma-Tadema, s’est ainsi appelé en raison de sa fascination pour l’Italie des primitifs, et notamment pour la littérature et les poésies de Dante, Shakespeare, Keats ou Boccace.
Il y a des couleurs vives, des visages anguleux mais si élégants, une qualité photographique, une force symbolique, un rendu des matières, des références littéraires, une charge érotique,…qui me font dire encore que le 19ème siècle est une de mes périodes artistiques favorites.
En fin d’après-midi, nous reprenons un bus à deux étages peu ponctuel (sous-entendu trop en avance) à l’heure où les écoliers en uniforme rentrent à la maison ou profitent d’un vendredi soir pour faire un tour au mall (le local centre commercial, peut-être trop développé à mon goût…). De retour dans le centre-ville, nous employons quelques heures à faire du shopping. Pas beaucoup de boutiques indépendantes de disques ou de fringues. Les grandes enseignes proposent des vêtements à la H&M, peu originaux, et surtout très vulgaires. De plus, le retour aux 80’s en Angleterre en vient même à reproduire les fuseaux et les bodies…alors là je crie STOP !!! Même mon magasin culte en Amérique du Nord, Urban outfitters, ne propose rien de bon. Un petit tour au Marks&Spencer du coin permet un petit peu de nostalgie…Puis direction le pub : le Dispensary, assez petit et sobre, mais beaucoup plus humain que le Philarmonic pub de la veille sur Hardman St : spectaculaire dans sa déco mais peu convivial. Ici les pubs ressemblent à ce que l’on peut s’imaginer des fumoirs et autres clubs fermés de la période victorienne, fréquentés par Sherlock Holmes ou Oscar Wilde.

Setting the truth free

Samedi, le dernier jour, je termine mon tour au Merseyside maritime museum sur Albert Dock, l’ensemble de bâtiments portuaires réhabilités en bordure du fleuve Mersey. J’ai beaucoup à voir et à faire dans ce musée qui évoque le port de Liverpool, une sister-city de Nantes : ancien port négrier et industriel, en pleine reconversion culturelle et économique, située à l’ouest du pays dans un estuaire. Beaucoup de points communs ! Je suis donc en terrain connu dans ce musée qui évoque la vie des marins, leur alimentation et leurs tâches, les grands paquebots de Liverpool, la construction navale…
Et puis l’International Museum of Slavery. Là, un traitement différent de la partie dédiée à la traite négrière dans le musée d’histoire de Nantes : une approche plus mémorielle et sensible, moins objective, bien que les jalons et l’exactitude historiques soient bien là. Des installations multimédia, des témoignages vidéo (à mentionner quand même le grand brouillon sonore qui en résulte et qui accompagne le visiteur sur tout l’étage), des tiroirs à ouvrir pour observer les documents graphiques… et un traitement complet de l’identité africaine, ponctué de photos de personnalités noires ou encore d’héritages culturels comme la musique ou la cuisine venues d’Afrique. Un sujet pour moi rebattu mais qui présentement m’émeut, même si l’on se doute qu’un musée français n’irait pas autant chercher le visiteur par le sentiment (cf la vidéo qui tente de reconstituer le « middle-passage », à savoir le trajet d’un captif dans l’entrepont du navire pendant la traversée de l’Atlantique), ou n’évoquerait peut-être pas frontalement la question de la dette de l’Occident envers le continent africain dans les textes présentés. Une visite riche en enseignements…On y apprend, par exemple, que Penny était un capitaine négrier liverpuldien, avant de devenir le nom de la plus célèbre rue de la ville des Beatles…



Porridge and scrambled eggs

Et puis qui a dit qu’on bouffait dégueulasse in England ?? Nous on s’est régalés pour pas cher dans les pubs ou les fish’n’chips (bien que pas toujours excellents), et pour pas beaucoup plus cher au restau : Il Forno, un italien proche du quartier chinois, où tu peux être placé à côté du four à pizzaïolo et détailler comment fabriquer une pizza au Nutella tout en dégustant des spaghetti à la vraie sauce tomate ; ou encore le Bistro Jacques, sur Hardman, dont les murs sont recouverts d’expressions culinaires en français et d’affiches d’Aristide Bruant et du Moulin Rouge : ce qu’on pourrait trouver folklorique/kitsch en France ne l’est pas de l’autre côté de la Manche, surtout quand le service est on ne peut plus charmant et attentionné, et que la nourriture est délicieuse (tarte tatin chèvre/tomate et sa poêlée de légumes, et la crème brûlée, au dessus craquant, comme celle d’Amélie !!!). Et puis carrément inclus dans le prix de la chambre, les œufs brouillés ou le porridge au petit déj’, ça vous cale pour la matinée !

Seule frustration, ne pas en connaître davantage sur l’histoire de la ville, faute de guide complet, faute de visite guidée. Le ‘liver bird’, symbole de la ville qu’on retrouve autant en haut des monuments que sur toutes les poubelles de Liverpool est en fait un oiseau imaginaire, mi-aigle, mi-cormoran. La légende dit que les deux Liver birds sont un couple dont le mâle contemple la mer d'Irlande pour veiller sur les marins tandis que la femelle veille sur les femmes et enfants restés dans la ville. Un jour, ce couple d'oiseaux décidera de s'envoler ensemble et ce jour marquera la fin de la ville de Liverpool…