29.11.10

Arcade Fire,24 novembre 2010,Le Dôme,Marseille

La salle est sombre, l’instrumental de ‘The suburbs’ accompagne l’entrée de nos saltimbanques québécois : ombres chinoises saluant le public, Régine sautillant déjà comme pour communiquer sa joie d’être là. Le coup d’envoi est tonitruant : s’enchaînent rapidement ‘Ready to start’ et ‘Month of may’. Le public peu réactif dans la première partie du set est encouragé dès les premières minutes par Win (« stand up if you want to ») ou Régine qui clame qu’on n’est pas à l’opéra et que les spectateurs tranquillement installés dans les gradins ne doivent pas se gêner pour venir nous rejoindre dans la fosse.
Nous justement dans les premiers rangs, ne perdons pas une minute de ce show commencé sur les chapeaux de roue.
‘Tunnels’ vient presque trop tôt, en troisième position dans le set et ne me laisse pas le temps de rentrer vraiment dedans : c’est pourtant l’un de mes morceaux préférés. La neige tombe sur l’écran derrière le groupe, mais sera remplacé ensuite par des images de la banlieue, les nageuses du livret de Neon Bible ou des membres du groupe filmés en direct. Pendant ce morceau culte extrait de ‘Funeral’, Régine marque le rythme, les violons de Sarah et de Marika s’envolent à l’unisson, Will frappe énergiquement sur son tambourin. Et la voix envoûtante et fiévreuse de Win nous emmène, portée par les chœurs de tous les autres : des chœurs qui vont devenir le leitmotiv de la soirée.
‘Laïka’ est l’occasion pour les deux doux dingues Will et Richard de s’acharner sur leurs instruments, puis de jouer à 1, 2, 3 Soleil en s’arrêtant net puis secouant leurs tambourins sur l’inattendu et rare ‘Une année sans lumière’. « Special occasion » dixit Win, soutenu par Régine qui d’une voix enfantine nous confie combien ils sont heureux d’être à Marseille car c’est le premier endroit en-dehors de Montréal où elle est venue dans sa jeunesse. Telle une gamine, elle enchante ‘No cars go’ de son accordéon et de sa robe multicolore tourbillonnante, ou de sa danse mécanique sur ‘Haïti’. A la fin de l’entêtant ‘Rococo’, Richard martèle la batterie, venant doubler celle du batteur en titre Jeremy, et lors de ‘Suburban war’, l’émotion montante nous étreint jusqu’au final tout en intensité.
Les chansons des trois albums (‘Funeral’ et ‘The suburbs’ sont très représentés) s’enchaînent menant peu à peu à une communion bouleversante.
En fin de concert, on attend que Win descende dans la foule sur un ‘We used to wait’ palpitant : il ne viendra toucher que quelques mains devant la scène, mais ce n’est pas grave. Rien ne pourrait remplacer le visage pur, magnifique du chanteur qui, sourire satisfait aux lèvres, est venu sur les premières notes de piano du morceau se poster sur le devant de la scène, savourant encore quelques instants le bonheur de cette foule toute acquise à sa cause. Les déflagrations de ‘Power out’ et ‘Rebellion (lies)’ concluent la première partie du set, livrant la foule à une reprise des chœurs de ce dernier morceau sans interruption jusqu’à ce que le groupe refasse son apparition.
Jamais je n’ai été si près d’Arcade Fire lors d’un concert, capable de palper leur enthousiasme, leur fièvre et leur envie de tout donner et de recevoir ; leurs sourires et leurs gestes débordent d’envie. L’impression est troublante de les accompagner au plus près : chanter avec eux, lever les mains, danser, jouer avec eux. Force est de constater que tous les membres du groupe sans exception font toujours preuve après plusieurs années de tournées et de vedettariat d’autant d’investissement dans leurs morceaux et de bonheur à partager. Leurs adieux avant le rappel sont déchirants, ceux qui suivront après le final donnent l’impression qu’ils ne partiront pas sans avoir serré toutes les mains ou remercier chaque personne de l’assemblée.
Après un ‘Keep the car running’ enlevé et un final remarquablement jouissif sur ‘Wake up’, Arcade Fire s’est à nouveau évanoui dans la nature, laissant derrière eux un peu de leur générosité et de leur magie à instiller dans notre quotidien bien gris.